4 juillet 2014

Pompéi (2014), de Paul W.S. Anderson


    En l'an 79, la ville de Pompéi vit sa période la plus faste à l'abri du mont Vésuve. Milo, esclave celte en provenance d'Angleterre devenu gladiateur, rêve du jour où il pourra venger son peuple exterminé par l'Empire romain. Au même moment, le Vésuve se réveille lentement dans l'indifférence générale. Dans quelques heures la ville va être le théâtre d'une des plus grandes catastrophes naturelles de tous les temps...

Titre original : Pompeii
Réalisation : Paul W.S. Anderson
Acteurs principaux : Kit Harington, Carrie-Anne Moss, Emily Browning, Adewale Akinnuoye-Agbaje, Jessica Lucas, Jared Harris, Kieffer Sutherland...
Genre : Péplum graphique sur fond de catastrophe naturelle
Année de sortie : 2014
Tous publics


« Voyons si un Romain peut mourir à l'égal d'un gladiateur. Un gladiateur, ça ne supplie pas ! »

                                                 Adewale Akinnuoye-Agbaje, dans le rôle d'Atticus



    Le 24 août 79 de notre ère, le Vésuve entre en éruption. Une pluie de pierres incandescentes s’abat sur la ville de Pompéi. La panique s'empare de la cité et la population tente de s'enfuir. Certains tentent de s'échapper par la mer, d'autres restent cloîtrer chez eux. Les chutes de roches détruisent le toit des maison, et la fumée asphyxie la population. Pompéi se transforme très vite en champ de ruines. Ceux qui ne sont pas morts écrasés ou brûlés mourront étouffées par la fumée. C'est une scène de massacre que le Vésuve laisse derrière lui. Mais cette scène sera figée par les pluies de cendre qui s'abattent sur la ville. Les corps en seront couverts. Près de deux milles ans plus tard, on découvrira ces corps, du moins leurs formes, conservées par la cendre.



    Il existe très peu de témoignages de l'époque sur la catastrophe. Le plus célèbre est celui de Pline le Jeune (61-114), le neveu de Pline l'Ancien, amiral de l'escadre de la Méditerranée, en poste à Misène. Le jour de l'éruption du Vésuve, Pline le Jeune a dix-sept ans, et séjourne avec son oncle à Misène. Depuis la baie, Pline l'Ancien aperçoit la catastrophe. De par sa curiosité scientifique, il décide de s'en approcher. On lui donnera aussi pour mission d'aller y chercher Rectina, qui le supplie de venir la chercher pour fuir par la mer. Après un périple à travers les vagues et la pluie de pierres qui manqua de lui coûter la vie, il choisira d'accoster à Stabies, pour aller se réfugier chez son ami Pomponianus. Au petit matin, l'amiral périra, asphyxié, chez son ami. Pline le Jeune, lui, aura passé la nuit à lire, comme si de rien n'était. En 104, il décrit la mésaventure de son oncle dans ses lettres adressées à l'historien Tacite.


    « A peine étions-nous assis que voici la nuit, non pas une nuit sans lune par temps nuageux, mais celle que l'on a en un endroit fermé, toute lumière éteinte. On entendait les gémissements des femmes, les vagissements des bébés, les cris des hommes ; les uns cherchaient de la voix leurs père et mère, d'autres leurs enfants, d'autres leurs épouses, tâchaient de les reconnaître à la voix. Certains déploraient leur propre malheur, d'autres celui des leurs ; il y en avait qui par crainte de la mort appelaient la mort, beaucoup tendaient leurs mains vers les dieux, plus d'un expliquaient qu'il n'y avait plus nulle part de dieux, que cette nuit éternelle était la dernière du monde. »

                                                                                                                                                        Lettres à Tacite, Pline le Jeune



    En 2003, l'auteur britannique Robert Harris publie un roman intitulé Pompéi qui mélange fiction et réalité. Il met en scène une intrigue fictive à la veille de l'éruption du Vésuve le 24 août 79. En 2007, un projet de développe autour du livre et Roman Polanski est envisagé pour l'adapter au cinéma. Malgré un budget de 130 000 000 de dollars, le projet est abandonné.

    C'est en février 2013 que l'idée de réaliser un film sur la catastrophe de Pompéi est de nouveau envisagée, avec un budget à peu près semblable au projet précédemment avorté. Le réalisateur Paul W.S. Anderson, à qui l'on doit la saga Resident Evil (2002-2015), est choisi pour la réalisation et Julian Fellowes, oscarisé en 2002 pour le scénario de Gosford Park de Robert Altman, Lee Batchler et Janet Scott Batchler signent le scénario. Mais le film n'est pas une adaptation du roman de Robert Harris, qui est désormais écarté du projet.



    Depuis le film culte Les derniers jours de Pompéi (1959) de Sergio Leone et Mario Bonnard, peu voire aucun film n'a été réalisé sur le sujet. Il s'agit pourtant de l'une des plus grandes catastrophes de l'histoire de l'humanité. Lors de l'annonce du projet, le film est alors très attendu. Mais dès la sortie de l'affiche française, le public constate d'énormes anachronismes, ce qui donne lieu à des réactions de la part des internautes qui s'échangent leurs points de vue. Sur l'affiche, on voit des coulées de lave. Or, lors de l'éruption du Vésuve, celui-ci, de type explosif, n'aurait pas émit des coulées de lave mais des pluies de pierres ponces puis des nuées ardentes. Si l'affiche, pour un simple souci esthétique, était mensongère, le film, lui, se révélerait bien respecter le déroulement de l'éruption du volcan.

    Tous les personnages de Pompéi de Paul W.S. Anderson relèvent de la fiction. Milo, un esclave d'origine celte capturé en Bretagne, comme ce fut le cas d'un grand nombre d'esclaves, est emmené de force à Pompéi pour y combattre dans l'arène. En découvrant que le sénateur Corvus y est de passage, il tentera d'assouvir sa vengeance, tout en conquérant le cœur de Cassia, dans les griffes du sénateur romain. Seule l'évocation de l'empereur romain Titus relève de l'Histoire. Cet empereur de la dynastie des Flaviens, qui régna de 79 à 81, est censé avoir envoyé Corvus à Pompéi. Dans le film, Rome a une image négative pour les Pompéiens. Or, Titus, qui entretenait une amitié avec Pline l'Ancien, aidera les habitants de Pompéi à se remettre de la catastrophe en attribuant aux survivants les ressources des victimes, alors que d'autres empereurs ne se seraient pas privé de se les garder.





    Orlando Bloom et Scarlett Johansson ont été un temps soit peu pressentis pour interpréter les rôles de Milo et Cassia, mais ce sont finalement Kit Harington et Emily Browning qui ont été retenus. Kit Harington a pris son rôle au sérieux en prenant l'initiative d'adopter un régime à 3000 calories par jour, et a ainsi pris douze kilos. Il a ensuite fait une diète en passant de soixante-seize à soixante-quatre kilos pour une définition parfaite de ses muscles.

    Pompéi sort dans les salles françaises le 19 février 2014 et deux jours plus tard, le 21 février aux Etats-Unis. Il est proposé en 2D et en 3D. Il fait 338 692 entrées lors de sa première semaine d'exploitation française sur 715 284 au total.


    Notre avis : Le film de Paul W.S. Anderson place l'action en 62 de notre ère dans sa scène d'ouverture. Il met non pas en scène le tremblement de terre qui détruisit, bien avant l'éruption du Vésuve, un grand nombre d'édifices, mais présente le personnage de Milo, attaqué au sein de son campement par une légion romaine. Il ne faut pas plus de cinq minutes pour deviner toute la trame narrative du film, à savoir celle d'un esclave qui vengera la mort de ses parents tués par un haut sénateur romain, qui n'aura pas pris une ride 17 ans plus tard, en 79. Pompéi, de façon très manichéenne, oppose des gentils (les esclaves et les Pompéiens) et des méchants (les Romains). Les Romains, à la manière d'un album d'Astérix, sont bêtes et méchants. Ce sont d'ailleurs les deux mots qui définissent le mieux le film, pour le pire et le meilleur. Pour le pire car l'histoire tient en une phrase, et qu'il est regrettable que la vie à Pompéi ne soit pas davantage exploitée et que chaque idée ne soit qu’esquissée, autant que les dialogues entre les personnages, à tel point que l'on croit assister à des bagatelles et à des enfantillages, dans un monde propret où l'on aime le raisin, les combats de gladiateurs et les femmes. Mais ces trois éléments fondamentaux du péplum classique donnent un aspect kitch assez savoureux, même si il manque parfois – souvent même – de sexe et de sang, ce qui ne devait pas manquer à l'époque. C'est en cela que le film renvoie à ce qu'il est, une production hollywoodienne, dont il ne faut pas attendre une once d'originalité ou d'audace.


    Chaque acteur, que ce soit Kit Harington, qui murmure à l'oreille des chevaux, ou Kieffer Sutherland, est la caricature de son personnage. Mais il y a un plaisir assez savoureux à découvrir Sutherland en sénateur, avec un visage qui s'y prête bien. Ce qui donne évidemment un intérêt pour Pompéi est l'éruption du Vésuve en 79. Elle se fait attendre tout au long du film, d'une façon plutôt réussie, graduelle. Le volcan évolue comme un véritable personnage, comme un monstre de film d'épouvante qui tuerait ses victimes une par une avant le massacre final. Cette personnification du Vésuve se fait notamment par ses grondements, que tout le monde entend mais n'écoute pas, étant donné que les tremblements de terre ne manquaient pas à Pompéi. Mais l'éruption se fait tellement attendre que lorsqu'elle a lieu, on n'a pas suffisamment pris le temps de s'attacher aux personnages et d'assimiler la dimension humaine de la catastrophe, si bien que l'on ne se rend absolument pas compte de l'ampleur de la catastrophe. Au lieu de suivre la survie des personnages, on admire les effets spéciaux, au demeurant très réussis, écraser en masse les Pompéiens. Alors qu'on imagine la souffrance vécue par les habitants de la ville, celle-ci n'est absolument pas montrée dans le film, qui privilégie des ralentis de Milo sur son cheval quand ce ne sont pas des plans d'ensemble sur la ville dévastée. Pompéi propose néanmoins un déroulement des évènements fidèle à l'Histoire, étape par étape.

    Paul W.S. Anderson essaie de faire de son film une œuvre graphique, comme tous les péplums modernes, de 300 (2006) de Zack Snyder à Le Choc des Titans (2010) de Louis Leterrier en passant par Les Immortels (2011) de Tarsem Singh, en ne lésinant pas sur les ralentis. Mais le film à au moins le mérite de ne pas ressembler à une cinématique de jeu-vidéo, et conserve une mise en scène académique et une qualité d'image classique, se rapprochant donc davantage de Gladiator (2000) de Ridley Scott – un peu trop d'ailleurs. Il aurait fallu que le film, plutôt que de tout miser sur ses superbes effets spéciaux et la catastrophe elle-même, s'attarde sur la psychologie des personnages et la recherche d'une ambiance qui lui soit propre. Pompéi est un film qui se laisse aisément regarder, mais qui manque largement de conviction, ce qui fait de lui une série B tout ce qu'il y a de plus convenue.

Lucas H.

2 commentaires:

  1. Merci pour cette analyse. J'ai déjà vu "Les derniers jours de Pompéi", que je trouve absolument superbe pour une production non hollywoodienne. Peut etre est-ce dû au fait que Sergio Leone a été assistant sur le tournage de Ben-Hur ? Ca lui a sans nul doute apporté de l'expérience.
    Dommage que l'adaptation du roman de Harris n'ait pas eu lieu, car ce roman est vraiment à couper le souffle.
    Malgré le fait que je sois assez réticent aux peplums modernes, je pense que je visionnerai celui-ci.

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  2. Effectivement, il ne faut pas réduire l'oeuvre de Sergio Leone à ses westerns. Il a également travaillé sur Fabiola (1949) d'Alessandro Blasetti, Quo Vadis (1951) de Mervyn LeRoy ou encore Hélène de Troie (1956) de Robert Wise.

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