3 juin 2014

La Chute de l'Empire romain (1964) d'Anthony Mann


    Sentant la mort approcher, l'empereur Marc Aurèle désigne son fidèle Livius pour lui succéder. De peur de se voir dépossédé du trône, Commode fait assassiner son père Marc Aurèle. Acclamé par les soldats, il condamne à l'exil sa sœur Antonia et son ami Livius. Les années passent... Fou, incontrôlable, Commode provoque par ses actes la révolte des provinces de l'Est. C'est le début du déclin de Rome...

Titre original : The Fall of the Roman Empire
Réalisation : Anthony Mann
Acteurs principaux : Stephen Boyd, Sophia Loren, Christopher Plummer, James Mason, Alec Guinness...
Genre : Grand classique et canon du péplum à grand spectacle
Année de sortie : 1964
Tous publics






             « Non Livius, ne me ramène pas sa tête, je ne saurais qu'en faire. Je le veux vivant. »

                                                                      Alec Guinness, dans le rôle de Marc Aurèle



Commode devant une reproduction de la statue de la célèbre louve
qui semble être celle du Capitole
    Marc Aurèle (121-180) est un empereur romain qui a dirigé l'Empire romain à son apogée, de son accession au pouvoir en 161 en devenant empereur (Imperator) jusqu'à sa mort. Il est le père de Commode, le futur empereur qui prendra sa place en 182. Alors que certains considèrent que l'empereur mourra de maladie, l'historien Dion Cassius considère que Commode avait fait assassiner son père. Les personnages de Livius et de sa bien-aimée Antonia sont des personnages qui relèvent de la fiction. La Chute de l'Empire romain raconte le règne de Commode, avec des conflits fréquents dans l'histoire romaine, et thèmes récurrents du péplum, comme les relations conflictuelles entre Commode et son père autour de la question de la succession, qui peut rappeler une autre dispute pour le trône, sous Claude (10-54), celle entre Britannicus et Néron.


    Malgré son titre, le film d'Anthony Mann ne traite pas de la chute de l'Empire romain, mais d'une période bien antérieure, qui raconte néanmoins l'un des grands éclatements de la cité. Et même si on ne peut véritablement parler d'une chute de l'Empire romain, on considère une fin de l'Empire romain d'occident en 476 de notre ère, lorsque le dernier empereur romain, Romulus Augustule (460-511) est dépouillé de son pouvoir par Odoacre.






    Au début des années 1960, alors qu'Hollywood perd de sa suprématie, le producteur Samuel Bronston (1908-1994), à l'origine de treize films en tout, comme Jack London (1943) et le futur Fort Saganne (1984) d'Alain Corneau, il décide de produire The Fall of the Roman Empire et de le tourner dans ses studios, les Studios Bronston, à proximité de Madrid. Le réalisateur Anthony Mann (1906-1967) passe derrière la caméra pour la quarante-deuxième fois et pour l'un de ses derniers films. Il fait preuve d'un grand professionnalisme en abordant ce projet faramineux, avec plus de 1000 ouvriers, 400 étudiants d'écoles d'art qui bâtirent 27 structures, comportant 610 colonnes et 250 000 tuiles pour la reconstitution du plus grand forum romain qui dura sept mois ! Mann se fera aidé de l'historien et philosophe américain Will Durant, le consultant du film. Dans son livre I am Spartacus (Capricci, 2013), l'acteur Kirk Douglas évoque la capacité d'Anthony Mann à respecter le planning imposé par Universal.


    La Chute de l'Empire romain est à voir comme une réflexion sur la guerre et la paix avec un lien évident avec la guerre froide, alors à son apogée en 1963, lors du tournage du film. Même si celui-ci ne bat pas les records du plus grand nombre de figurants dans un film de l'histoire du cinéma, largement dépassé par d'autres péplums tels que Ben-Hur (1960) de William Wyler ou Troie (2004) de Wolfgang Peterson, il faut reconnaître que le film de Mann voit l'antiquité romaine en grand, avec des scènes impressionnantes où des milliers de figurants composent les plans d'ensemble. 



Anthony Mann et ses maquettes
    Notre avis : La Chute de l'Empire romain est un véritable spectacle grandiose, qui ne lésine pas dans la reconstitution de batailles ou d'assemblées, avec un nombre spectaculaire de figurants. Il s'agit moins d'une étude historique et précise de l'histoire de l'Empire romain qu'une production massive qui offre au spectateur près de trois heures de divertissement et de rebondissements en tous genres. Pour autant, le film ne s'affranchit pas de certaines réalités historiques. On remarquera par exemple la présence de rites religieux, comme la prière à la déesse du foyer Vesta, ou encore l'intérêt de l'empereur Commode pour la gladiature, dont il exerçait les entraînements. Il ne pouvait évidemment pas exercer de combats dans l'arène. C'est ainsi qu'il se livrera à sa passion lors de son combat final avec Livius, dans une arène formée par des soldats, le tout dans une séquence magnifiée par son silence et ses jeux de cadres. Dans Gladiator (2000), Ridley Scott proposera lui aussi un Commode adepte des combats de gladiateurs. Néanmoins,l'historien romain Dion Cassius décrivait un Commode bien plus sanglant que ne le montre le film de Mann. Autre détail non respecté, la mort de l'Empereur a lieu dans son palais, et non pas en plein forum. 





    Anthony Mann offre aux yeux du spectateur une antiquité fantasmée et esthétique à travers une qualité d'image remarquable, en situant par exemple l'action en hiver, ce qui donne lieu à de magnifiques plans de plaines enneigées et à de magnifiques aplats de couleurs, le rouge des costumes militaires et le blanc de la neige. Les scènes de batailles, notamment celle de la forêt contre les Barbares, sont filmées avec une proximité étonnante. On remarquera d'ailleurs, étonnamment étant donné le budget du film et le professionnalisme employé, que lors de la séquence dans la forêt, un même plan est utilisé à deux reprises. Autre anecdote, on peut remarquer dans l'une des scènes du film de fausses poules, immobiles, en arrière-plan. Cependant le détail des poules est une véritable pratique religieuse, pratiquée par les magistrats, qui s'entouraient de poules pour interpréter les signes envoyés par les dieux. Le nouveau master du film proposé par l'édition en DVD de La Chute de l'Empire romain le rend d'autant plus beau, avec une image très peu granuleuse et absolument sublime.

La toge et les sandales ne suffisent pas pour supporter le froid,
l'équipe du film se réchauffe entre les prises, avec, de gauche à
droite : Anthony Mann, Stephen Boyd, Christopher Plummer,
Alec Guinness et Mel Ferrer.
 
    Du côté du casting, on retrouve dans le rôle de Marc Aurèle l'acteur britannique Alec Guinness, dans une interprétation quelque peu comique de l'empereur, il n'y a qu'à voir la réplique citée en début d'article, surtout lors d'une scène où il accueille de nombreux chefs étrangers dans sa cité, et qu'il doit les saluer un par un lors de leur passage. Le hic, c'est qu'il ne se rappelle pas des noms de tous, et qu'il se fera aider par Timonides, interprété par James Mason, avec des jeux de regards hilarants. Plusieurs personnages sont fictifs, comme le personnage de Livius, interprété par Stephen Boyd, qui se trouve face à un dilemme : trahir l'Empire ou l'aider. On retrouve fréquemment ce thème dans les œuvres de fictions, comme avec le personnage de Vorénus dans la série Rome (2005) de John Milius. Christopher Plummer, encore jeune et débutant, excelle dans le rôle de Commode. Le contexte historique du film, à savoir celui de la guerre froide, apparaît en filigrane dans le film de Mann. On retrouve des questions sociales de l'époque romaine et de l'époque du film, encore valables de nos jours, comme lors d'une scène où se pose la question d'accepter ou pas des paysans étrangers comme citoyens romains.

Lucas H.

2 commentaires:

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  2. J'ai beaucoup aimé ce film que j'ai découvert il n'y a pas si longtemps. Je lui ai trouvé une atmosphère vraiment particulière, que je n'avais pas retrouvée depuis "Ben Hur". Même si je lui ai trouvé quelques lourdeurs et des moments assez lents, j'ai suivi jusqu'à la fin. D'une part, j'aime les peplums extra-longs, et d'autre part, j'avais déjà été impressionné par Stephen Boyd dans "Ben Hur". D'ailleurs, c'est marrant, la course de chars présente dans "La chute de l'Empire romain" m'a immédiatement fait penser à celle de "Ben Hur". Je pense que c'est fait pour. Ce que j'aime aussi dans ce film, c'est qu'il ne tourne pas uniquement autour d'une histoire d'amour insipide. Derrière ces décors grandioses et cette histoire d'amour à l'eau de rose, il y a une réflexion politique. Après, censure oblige, on ne pouvait évidemment pas voir la cruauté de Commode dans ses moindres détails. Finalement, si on s'en tient aux historiens de l'époque, le peplum le plus réaliste qui soit est sans doute "Caligula" de Tinto Brass, non ? Une question que je me pose : "La chute de l'Empire romain" a-t-il été aussi la chute du peplum ? Car il me semble qu'ensuite, il n'y en a plus eu.

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